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Carnet de Voyage

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       Fasciné par les « Regards du Monde » atypiques, j’ai toujours été admiratif par le travail de certains photographes qui peuvent nous faire découvrir des peuples méconnus aux quatres coins du monde et quand on regarde une image, très souvent cette dernière dégage une émotion et quand la partie artistique se mêle à cette émotion, alors on ne peut-être que troublé…

       Début 2013, j’ai entrepris un premier voyage en Ethiopie pour découvrir des ethnies, des tribus, les peuples authentiques de la vallée de l’Omo.

Après un vol de 7h30 depuis Paris, me voilà arrivé à Addis-Abeba capitale de l’Ethiopie, située à 2 400 m d'altitude dans la Corne de l’Afrique, l'Éthiopie a des frontières communes avec l'Érythrée, la Somalie, le Soudan, le Sud-Soudan , le Kenya et la république de Djibouti.

      Avant de me diriger en voiture vers le sud-ouest du pays, je décide de faire un peu de tourisme dans la ville et de visiter le Musée National d’Ethiopie qui contient à la fois des œuvres d'art et des découvertes archéologiques telles que les fossiles d'hominidés, dont le plus célèbre est Lucy, squelette d'australopithèque, découvert en 1974 sur le site de Hadar. Lucy constitue le premier fossile relativement complet qui ait été découvert pour une période aussi ancienne, et a révolutionné notre perception des origines humaines, en démontrant que l’acquisition de la bipédie datait d'au moins 3,2 millions d’années, et avait largement précédé le processus d'accroissement du volume endocrânien.

      Pour la petite histoire, Lucy a été surnommée ainsi parce que les chercheurs écoutaient la chanson des Beatles  « Lucy in the Sky with Diamonds » le soir sous la tente, en répertoriant les ossements qu'ils avaient découverts. Elle est appelée Dinqnesh en amharique (Éthiopie), ce qui signifie « tu es merveilleuse »

        Ma curiosité m ‘a poussée ensuite à me rendre sur le Mont Entoto, c’est un sommet situé au nord-est d'Addis-Abeba dans les montagnes à 3200m.

Au fur et à mesure de ma progression vers le sud-ouest, je découvre les plantations de café, dont la première souche de café Arabica a été identifié au VIe siècle en Abyssinie, l’actuelle Ethiopie et non au Yemen comme on le pense habituellement.

        Un berger aurait remarqué une agitation particulière de ses chèvres suite à l’ingestion de baies rouges du caféier. Constatant le lendemain que ces chèvres n’avaient pas été empoisonnées, il tenta lui-même l’expérience puis en diffusa l’usage.
        À cette période les Éthiopiens mastiquaient grains et feuilles, les cuisaient ou mélangeaient les grains moulus avec de la graisse animale.

Le berger aurait relaté les faits aux religieux islamiques de sa région les soufis .
       Ceux-ci auraient fait une infusion à partir des fruits de l’arbre, infusion stimulante qui les tenait éveillés pendant l’office nocturne et à la veillé.
Les moines soufis en exportèrent la culture au Yémen avant qu’il ne gagne l’Europe puis d’autres parties du monde.

        Il faudra attendre le XVe siècle pour que les grains extraits de leur coquille fussent régulièrement torréfiés et moulus pour donner la boisson que nous connaissons aujourd’hui.
 

       On retrouve plusieurs variétés de café toutes de type Arabica et tirent leur nom de la région de culture : Jimma , Limu, Sidamo, Yirgacheffe… dans l’ouest du pays et Harar, dans l’est , frontalière avec la Somalie.

       Au fil des jours, j’arrive dans la vallée de l’Omo, à la rencontre des ces peuples connus pour être des tribus d’agriculteurs et d’éleveurs semi-nomades : les Hamers, les Mursis, les Turkanas, les Karos, les Suri (Surma), les Bumes, les Galebas, les Dassanetchs, les Bodis, les Nyangatoms, etc.

      Ces populations perpétuent des coutumes ancestrales dans une région semi-aride où les conditions de vie sont difficiles. Les modifications corporelles ainsi que la peinture corporelle, les scarifications et les coiffes végétales sont des pratiques courantes de ces tribus.

      Ma première rencontre me fit découvrir la tribu Mursi cousine de la tribu Suri (Surma) que je relaterai dans la deuxième partie de mon carnet de voyage :

Les Mursis sont des habitants semi-nomades du sud de l’Éthiopie, vivant à la périphérie ouest du Parc national de Mago, en bordure de la rivière Omo. Ils forment un des derniers peuples d’Afrique dont les femmes portent des ornements labiaux (labret) et auriculaires en forme de disques plats, d’où leur nom de « femmes à plateau ».

Mis en place dès l’âge de 10 ans, ils suivent tout un rituel pour cela :

   ● On commence par l’extraction des incisives inférieures,

   ● On perfore la lèvre et on y insère une cheville en bois,

   ● L’orifice est élargi d’année en année par l’introduction de cylindres de               plus en plus grands,

  ● Enfin, lorsque l’orifice est assez large, on peut installer le grand disque d’argile décoré de gravures.

    Comme leurs cousins Suri (Surma) c’est un signe de beauté dans leur culture : plus le plateau labial est grand et plus la femme est belle. Le plateau est aussi porté par les jeunes filles célibataires. Il peut également être un signe de richesse, en fonction du nombre de bêtes données pour la mariée.  Les plateaux labiaux sont fait en bois, ou en terre cuite.

       Chaque femme fabrique elle-même son propre plateau et le décore.

 

    Les Karo, seuls sédentaires à part entière de la région, se regroupent majoritairement dans le village de Douss.

Pendant des générations, ils sont restés protégés de l'intrusion du monde extérieur par les montagnes, la savane et le fait que l'Éthiopie est la seule nation africaine que les Européens n'ont jamais colonisée. Ils sont aujourd'hui très peu nombreux puisque l'on en décompte quelques centaines.

      L’élevage du bétail est important dans leur mode de vie. Ils en tirent du sang, du lait, de la viande et du cuir. Le bétail sert également de monnaie d’échange pour justifier d’un statut social et prétendre à pouvoir se marier.

 

Habits et ornements corporels

      La beauté du corps revêt une grande importance chez les karo comme chez de nombreux peuples d’Afrique.

    Les femmes portent de nombreux colliers et bracelets de fer blanc enserrent leurs poignets, leurs chevilles et leurs bras. Le collier de la première épouse est fait d’un cercle métallique surmonté d’un deuxième cercle en cuir et métal. Le menton est percé en-dessous de la lèvre inférieure pour y insérer une épingle.

        Les hommes se font des peintures corporelles avec de la craie, de l’ocre ou du charbon de bois lors d’occasions particulières, les cérémonies et les danses.

Le peuple Hamer

    Les Hamer sont des pasteurs semi-nomades ; ils vivent dans l’une des régions les plus arides de la savane méridionale du sud-ouest éthiopien, entre les terres fertiles de l’est et les rives de l’Omo.

      Les Hamer se déplacent en groupe, avec leurs troupeaux de bovins, selon un itinéraire précis établi par leurs ancêtres au premier matin du monde. Parmi eux, de jeunes hommes armés assurent la sécurité du groupe. Profitant des longues étapes qui rythment leur mouvance, ils cultivent le sorgho ; une fois les ressources en eau épuisées, ils abandonnent les champs et se mettent en quête d’une nouvelle zone fertile. Ils logent dans des huttes ogivales de branchages savamment enchevêtrés qui résistent aux forts vents de sable.

Le bétail est le pivot socio-économique et culturel des Hamer ; la fortune et le rang social d’un homme s’évaluent à l’abondance de son cheptel. Les animaux sont bichonnés : pour rehausser l’élégance de l’animal et pour le protéger du mauvais sort, les pasteurs superstitieux dessinent au rasoir des motifs décoratifs sur le pelage. Les bovins préférés ont même le pavillon externe des oreilles ciselé comme une guirlande. A la naissance, les enfants reçoivent, outre leur nom de baptême, un nom de bovin.

    Les Hamer, femmes comme hommes, ont un sens très aiguisé de l’esthétique et passent quotidiennement de nombreuses heures à s’embellir. Les femmes oignent leurs corps d’huile et d’argile. Nues jusqu’à la taille, elles se couvrent les hanches d’une peau de vache incrustée de verroteries colorées. Elles s’enduisent les cheveux de beurre et d’argile et se parent de nombreux bracelets en étain, de volumineux colliers sertis de coquillages et d’autres ornements en fer-blanc. Sur leurs coiffures habilement tressées, certaines attachent des visières d’étain ou des serre-tête de perles.

    Hormis les colliers de perles et les boucles d’oreilles, les hommes privilégient la coiffure : les plus valeureux, ceux qui ont vaincu l’ennemi ou abattu un animal féroce, s’enduisent la chevelure d’argile qui, une fois séchée, forme une calotte rigide au-dessus de laquelle est plantée, sur un petit support de bois, une plume d’autruche. Les autres se tressent les cheveux en mosaïque.

       Ils exhibent fièrement leur torse nu orné de scarifications infligées lors des rituels de passage de classe d’âge. Le rituel le plus important pour les jeunes hommes Hamer est celui qui consacre le passage de l’enfance à l’âge mûr : l ‘Ukuli

      Après une suite de cérémonials qui s’étendent sur plusieurs jours, au cours desquels nombre de chèvres sont ingurgitées, les novices font face à une rangée de plusieurs vaches tenues serrées, flanc contre flanc, par des jeunes hommes qui ont récemment franchi l’épreuve, mais qui sont encore trop jeunes pour se marier. Sous le regard de leurs aînés, les candidats doivent, chacun leur tour, prendre leur élan, sauter sur l’échine du premier taureau et parcourir sans trébucher la rangée de trente dos, puis recommencer l’exploit en sens inverse.

        Pour réussir le rite initiatique, ils doivent s’acquitter sans tomber de quatre parcours consécutifs. Une fois l’épreuve réussie, les garçons sont portés en triomphe par leurs aînés et acclamés par le village. S’ils trébuchent à une reprise, on ne leur en tient pas rigueur, ils recommencent l’épreuve. Par contre, s’ils échouent à nouveau, ils subissent l’humiliation suprême : ils sont publiquement flagellés et battus par les femmes de leur famille. Considérés comme les parias du village, ils sont la proie des moqueries et des railleries de toute la communauté pour le restant de leur existence.

 

        Les rites animistes : Par certains actes religieux, l’homme, ou certains hommes, peuvent entrer en lien particulier avec les forces divines qui dirigent la nature pour solliciter les bienfaits des dieux ou faire écarter le malheur de la communauté. Souvent assimilés à de la magie, ces rites, ces prières et ces cultes s’en distinguent généralement par leur caractère collectif et leur permanence ; la magie est une technique, une manipulation par laquelle un individu prétend enchaîner les forces cosmiques et le monde surnaturel pour répondre à des demandes d’intérêt privé en utilisant des formules ou des objets chargés de force.

      Dans certaines communautés, des guérisseurs (« magie blanche ») utilisent leur connaissances de la nature à des fins thérapeutiques, pour le mieux-être des autres. Mais il y a aussi les « sorciers » (« magie noire ») qui agissent en secret et menacent l’ordre des choses : les « mangeurs d’âme », les « jeteurs de sort », … qui sont redoutés pour leur capacité potentielle de nuisance. Les rites majeurs sont aussi ceux de l'initiation des classes d'âge, en particulier pour manifester sa force, son agilité, sa valeur.

     De retour en France, je n’ai qu’une envie, c’est de retourner en Ethiopie pour y rencontrer une tribu très peu connue, les Suri (Surma) seule une poignée de photographes aventuriers spécialistes des photos ethniques nous les font découvrir au grand jour quelques temps auparavant.

     C’est décidé, mon expédition aura lieu dans le dernier trimestre 2013 , le temps pour moi de me mettre en relation avec une équipe à Addis Abeba, à ce moment là, je ne trouve que très peu de personnes qui peuvent me monter une expédition en ces terres très reculées, une agence retient mon attention, car elle insiste sur la connaissance des lieux et surtout sur le plan sécuritaire , je leur soumet mon envie de me rendre en Pays Surma (Suri), nous avons échangé et élaboré durant des semaines les différentes étapes pour mettre sur pied cette expédition non loin de la frontière du Sud-Soudan.

        Un véhicule 4x4 avec son chauffeur connaissant un peu les lieux , un cuisinier et un guide. Il nous faut au départ d’Addis-Abeba deux jours de route + une journée de piste pour y accéder, trois jours de la capitale qui m’isole complètement de la civilisation moderne et surtout de toute communication. Pour info, en 2013, le barrage Gilgel Gibe III qui sépare les deux rives du fleuve Omo n’était pas encore terminé, il a été mis en service en 2016, ce qui nous a rallongé considérablement le trajet.

  

        Enfin la rencontre ! Après trois jours de 4x4 aventureux, nous voilà arrivé à l’ouest du fleuve Omo, loin dans les terres aux confins du Sud-Soudan et du Kenya.

        Dans les premiers jours, bivouac dans un premier village, qui me permet de découvrir un autre monde, une autre civilisation et de me découvrir moi-même seul au milieu de nul part, très vite la curiosité l’emporte des deux côtés, une envie irrésistible d’aller l’un vers l’autre, à la découverte de nos différences.

      Au bout de quelques temps nous décidons, mon guide et moi, d’aller dans un plus grand village où la sécurité sera un peu plus optimale ; nous nous enfonçons davantage pour quelques heures de plus en 4x4 pour regagner ce nouveau village où je retrouve les visages des Suri (surma) tels que j’ai pu les admirer sur les sites des photographes ethniques. Nouveau bivouac qui devient un camps de base et tous les jours on visite les villages environnants.

 

Mode de vie des Suri (Surma)

     Les hommes s’occupent des taches du foyer, de la défense du territoire, s’occupent des troupeaux qui sont parqués dans des enceintes proches des villages, chassent les petits et les grands animaux.

    Ce peuple est un peuple de pasteur, ne pas avoir de vaches est très invalidant. Chaque suri possède en moyenne entre 30 à 50 vaches, certains beaucoup plus. Pour se marier l’homme doit s’acquitter d’un paiement de 60 vaches environ pour trouver sa promise.

      Les femmes cultivent les champs, s’occupent des tâches ménagères, font le travail du cuir, des poteries en terre cuite à usage domestique dont le surplus est vendu ou échangé contre des denrées de première nécessité. Avec les graines récoltées qu’elles pilent au mortier, elles font une farine. Les graines fermentées feront une boisson alcoolisée, épaisse en bouche ressemblant à une sorte de bière. Elle est consommée par tous chaque jour.

Les enfants avant les récoltes ont pour tâche de chasser les oiseaux et les insectes des récoltes.

       Les jeunes avant le passage à l’âge adulte surveillent les troupeaux.

Une rencontre extraordinaire avec les enfants

 

Curieux comme à l’accoutumée, ils venaient à notre bivouac pour m’entrainer  jusqu’à la rivière pour me montrer leur talent…

   Les peintures sur les visages de l’ethnie Suri ne sont pas de simples masques, mais une forme d’art demandant un vrai savoir-faire. Ces œuvres restent très souvent éphémères car aussitôt faites, elles peuvent selon l’envie de leur créateur être détruites en quelques secondes dans l’eau de la rivière.  De la terre glaise mélangée à du beurre liquide, de la poussière de bouse, des cendres de bois, des feuilles tressées, des plumes, des grappes de baies, des morceaux de calebasses… tout est utile pour créer bijoux et parures.

     Le principal n’est pas ici d’être méticuleux ou trop précis, mais de créer vite, très vite. La rapidité d’exécution est primordiale. Une minute doit suffire pour séduire.

      Les motifs les plus simples sont réalisés avec les doigts, les traits les plus fins ou les détails, avec les ongles ou un bout de bois, des fleurs en guise de pochoirs sont utilisées pour les motifs corporels.

    Les pigments utilisés viennent des minéraux de la région : ocre rouge, calcaire blanc, soufre jaune et cendres anthracites. La dilution de ces matériaux très purs permet de jouer sur l’intensité des couleurs. Pour pimenter et embellir ces créations, les enfants confectionnent d’incroyables couvre-chefs végétaux.

      C’était un réel plaisir de passer les après-midi avec eux au bord de la rivière, en outre le matin je partais avec mon guide et un Ranger (issu de l’ethnie) désigné par les autorités, doté d’un pantalon, d’une veste militaire et d’un AK-47 (Kalachnikov) pour arpenter les villages environnants en toute sécurité (bien que nous étions pas les seuls à posséder une Kalach…!)

       Les suri ont pour peuple voisin ennemi « les boumés » qui ont pu obtenir des armes lors de la guerre civile au Soudan voisin. Ces derniers s’en sont servi à leur aise sur les suri et les conflits sont fréquents entre les deux groupes.

      Les armes à feu ont perturbé l’équilibre de ce qui était une société stable et équilibrée. L’AK 47 est devenu incontournable pour les jeunes générations qui échappent de plus en plus au contrôle de la sagesse des anciens.

    Depuis 2016, les suri comme d'autres peuples sont concernés par le barrage Gilgel Gibe III qui est construit sur la rivière Omo, qui facilite l’accès à ces ethnies dont leur mode de vie traditionnel pourrait être fortement compromis par l’arrivée d’un tourisme de masse.

                                               © Jean-Yves JUGUET ®

 

 

Ces photos sont certainement celles qui ont totalisées le plus grand nombre de vues  de mes expéditions à travers d’autres pays et qui m’a poussé aujourd’hui à vous faire partager, dans les grandes lignes, ce carnet de voyage.

 

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